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[Chronique Album] The Life Of Pablo, de Kanye West

16 février 2016

Plus de deux ans se sont écoulés depuis son annonce, et après trois changements de nom et des derniers jours chaotiques durant lesquels la tracklist se voyait sans cesse chamboulée, le tout agrémenté de déclarations et tweets ambitieux mais également parfois douteux, The Life Of Pablo, huiitème album studio de Kanye West, est enfin disponible à l’écoute. On ne saura sans doute jamais quelle est la part d’indécision réelle, de caprice ou juste de volonté de faire le buzz qui a entouré sa gestation, mais la musique reprend enfin ses droits et ça fait du bien. Restait à savoir si le résultat est à la hauteur de l’attente ou entaché par ces nombreux revirements de situation. Si je ne peux pas parler de déception au vu de la grandeur d’une majorité de pistes, il en ressort quand même une léger goût d’inachevé et un sentiment d’accomplissement moindre que ce auquel Kanye m’a habitué. Mais j’y reviendrai plus tard et vais plutôt évoquer les choses dans l’ordre.

Parce que l’album débute fort, très fort même. Ultralight Beam est peut-être bien même le titre que je préfère au sein de The Life Of Pablo. Kanye West s’est toujours montré à l’aise lorsqu’il s’agissait d’utiliser des coeurs à tendance gospel et d’amener une dimension religieuse dans son oeuvre. Sans surprise, il excelle dans l’exercice. La production est parfaite et le son bénéficie de l’apport de Chance The Rapper qui prouve, si tant est qu’il en ait encore besoin, qu’il est un futur très grand. Suivent les deux parties de Father Stretch My Hands, plus anecdotiques mais qui passent plutôt bien et arrive rapidement Famous, titre qui porte plutôt bien son nom puisque ses lyrics ont largement fait parler via la tirade sur Taylor Swift. Si la présence de Rihanna s’avère peu notable, l’intérêt vient plutôt du fait que malgré sa courte durée, le titre parvient à régulièrement renouveler sa mélodie et sa tonalité. Il en est de même pour plusieurs de ses successeurs, l’exemple le plus frappant étant High Lights. Même s’il ne s’agit pas forcément du titre que tournera le plus dans mes playlists, on y retrouve toute la minutie et le constant besoin de renouvellement du natif d’Atlanta. Autre titre majeur de l’album, Wolves, et sa mélodie qu’on ne pourrait retrouver nulle part ailleurs que dans un album de Yeezy. Quand en plus il jouit de la présence de Frank Ocean, sans doute le seul type capable de me réconcilier avec le R&B, ça ne peut être que puissant. Parmi les plus grandes réussites, je peux aussi citer l’entêtant Real Friends et No More Parties in L.A. sur lequel il est accompagné de l’inévitable Kendrick Lamar.

Que manque-t-il alors à cet opus pour atteindre la perfection de My Beautiful Dark Twisted Fantasy ? Je n’insisterai pas sur le niveau des paroles ni le flow. Je n’attend plus Kanye West sur ces aspects qui n’ont jamais figuré parmi ses points forts et, à l’image d’un Dr. Dre, il a l’intelligence de s’entourer de personnes à même de combler ses carences et mettre en valeur ses intentions. Sans parler de l’apport de l’autotune, qu’il utilise à mon humble avis mieux que quiconque, et lui a permis d’étendre, certes artificiellement, ses capacités et d’apporter une dimension supplémentaire à sa discographie.

Mon principal ressentiment tient plutôt dans un manque de prise de risque un peu inhabituel. Depuis le décrié (mais peu à peu réhabilité) 808s & Heartbreak, j’avais cette impression de réinvention perpétuelle que je perds un peu ici. Certains titres auraient pu figurer dans le dernier album cité (FML), d’autres dans Yeezus (Feedback, Freestyle 4) voire bien plus tôt dans sa carrière pour No More Parties In L.A. A titre de comparaison, Only One, paru il y a un an et qu’on a longtemps cru devoir faire partie de l’album me paraissait bien plus neuf, risqué et couillu que tout ce qui est proposé en définitive. Cela n’empêche pas la qualité intrinsèque des titres pris un à un, mais le fondateur de GOOD Music revendique un tel degré de qualité que je suis obligé de le relever. Est-ce dû à l’interminable conception de l’album ? Aux changements de direction artistique que l’on soupçonne nombreux ? Mais je ne retrouve pas de concept aussi fort et l’homogénéité propre aux albums cités dans le paragraphe précédent, quels que puissent être leurs défauts par ailleurs. On revient à une sorte de fourre-tout à la Graduation, en plus pointu toutefois. En ce sens The Life Of Pablo me semble destiné à moins marquer les esprits pour son contenu que par sa genèse et c’est nécessairement dommage.

Toujours est-il que l’on est encore dans le très haut du panier Hip Hop contemporain, que Kanye West reste l’un de ses rares représentants capable d’en faire exploser les frontières et de le sublimer sans lasser. Il le fait encore cette fois, de façon un peu moins maîtrisée et avant-gardiste qu’à l’accoutumée, mais nombre des nouveaux titres raviront mes journées dans les semaines et mois à venir c’est une évidence.


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