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[Chronique Cinéma] The Hateful Eight, film de Quentin Tarantino : Chamoix d’argent

10 janvier 2016

Voilà un film qui me procure bien des sentiments et un jugement un peu contradictoire. Dans la mesure où la note reste très positive et que j’ai passé un bon (et long) moment en salle, je vais commencer par là.

Ce qui fait la force de The Hateful Eight, titre original bien meilleur que sa traduction française en passant, est aussi ce qui implique ses faiblesses : c’est un pur Tarantino, écrit et mis en scène pour ses fans (dont il est le premier) plus que le grand public comme ça pouvait être le cas de Django.
En ce sens, qui aime le réalisateur devrait apprécier le résultat et c’est indiscutablement mon cas. Malgré une longueur un peu excessive vis à vis d’enjeux scénaristiques limités, je suis resté captivé et enjoué pendant près de 3h face aux dialogues et au déferlement d’hémoglobine qui nous est proposé. On retrouve tous les ingrédients qu’on aime dans son cinéma si caractérisé et on ne peut qu’être subjugué par ces magnifiques paysages enneigés offerts en début de film. J’imagine que c’est encore plus fort en 70mm et devine que le format doit aussi bien servir certains plans où l’on voit les personnages à différents niveau de profondeur à l’écran, mais je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de voir le film ainsi…

La volonté du metteur en scène depuis Inglourious Basterds d’évoquer des propos historiques plus sérieux, profonds et de les mettre en parallèle avec le monde d’aujourd’hui reste aussi un plus indéniable et n’apporte qu’un peu plus de saveur à son écriture et aux dialogues souvent savoureux.
Et si la bande originale n’est pas la plus marquante qu’il ait utilisée voire même se fait parfois presque trop absente, la participation d’Ennio Morricone offre son lot de moments forts et est pour beaucoup de l’imprégnation du genre horrifique voulu ici. Cela a été déjà maintes fois répété, mais, l’ombre de The Thing plane tout du long et c’est vraiment appréciable. Peu à peu le film plonge dans une sorte d’enfer voire dans une ambiance maléfique et c’est franchement bien rendu, notamment en ce qui concerne le personnage de Daisy Domergue.

Mais qu’est-ce qui cloche donc à côté de ça et m’empêche de considérer The Hateful Eight parmi les meilleurs films de la filmographie de Quentin Tarantino ? Principalement parce que par bien des côtés, il commence à vraiment tourner en rond et frôler l’auto-caricature. Le film souffre un peu du même syndrome que Boulevard de la Mort. Le réalisateur s’amuse à user de ses tics d’écriture et de mise en scène, à les étirer, les amplifier et les répéter jusqu’à frôler l’indigestion. Si je l’avais plutôt bien toléré ça en 2007 et que je trouve même Death Proof globalement sous-estimé, revoir ça encore près de 10 ans après commence à me lasser. Surtout quand cela devient plus gadget que voué à servir le film. Typiquement, le montage dans un ordre non chronologique et l’idée de revoir certaines scènes sous plusieurs points de vue n’ont plus la force qu’ils pouvaient avoir dans Pulp Fiction ou Jackie Brown. Cela n’apporte que peu d’éléments nécessaires au récit et au développement des personnages. Rien ou presque dont on ne se doute pas déjà avant du moins, ce qui les rend donc artificielles et vouées à rester de simples références appréciables mais dispensables. Et c’est d’autant plus dommage que paradoxalement certains plans iconiques ou lubies ne sont pas présents cette fois. Je n’ai pas souvenir d’un seul plan sur un pied féminin par exemple.

The Hateful Eight est un bon film, peut-être même objectivement et pris à part un très bon, mais il ne figurera pas au panthéon de ce que Tarantino a réalisé pour moi. Et, même si son cinéma est tellement marqué que ça ne sera pas simple, j’espère encore à l’avenir le voir prendre un peu plus de risques ou trouver un moyen de se renouveler. Le fauteuil dans lequel il est installé est aujourd’hui trop confortable et lui retirer ou en changer ne lui ferait sans doute pas de mal. Sweet Dave pourrait le confirmer !


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