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[Chronique] DROGAS Light, de Lupe Fiasco

20 février 2017

Début 2015, je chroniquais ici-même Tetsuo & Youth, véritable résurrection de Lupe Fiasco après son douloureux passage en major et son meilleur album à ce jour. Quelques mois plus tard, l’EP Pharaoh Height confirmait une certaine forme de retour en grâce. De quoi faire de l’annonce d’un nouveau LP il y a quelques semaines un petit événement pour moi, celle-ci étant tout de même contrebalancée par l’idée qu’il s’agit là du premier opus d’une trilogie visant à clore la carrière du rappeur.

Certes, je suis le premier à dire qu’il vaut toujours mieux s’arrêter au top (et nombre de rappeurs n’ont pas su le faire…) et il faut aussi prendre avec recul ce genre d’annonce dans le rap game. Mais tout de même lorsque cela concerne un des rappeurs pour qui j’ai le plus d’estime, cela fait un petit quelque chose. Et rehausse d’autant plus mes attentes vis à vis de DROGAS Light.

Pas vraiment adepte de la langue de bois lorsqu’il parle de ses projets, le natif de Chicago a pourtant quelque peu annoncé la couleur sur Twitter au moment de la sortie. DROGAS Light n’est qu’une sorte d’apéritif, un album assez “léger” comme son nom l’indique. DROGAS, à priori déjà terminé, puis Skull sont présentés comme les véritables gros morceaux du triptyque. Stratégie marketing pour masquer quelques errances du premier épisode ? L’avenir le dira, mais rentrons dans le vif du sujet.

Par son style reconnaissable, un flow qu’il peut varier avec une aisance rare et son écriture au-dessus de la moyenne, Lupe Fiasco a la faculté de s’adapter à quasiment n’importe quel type de prod. Et même si cela peut parfois lui jouer quelques tours (j’y reviendrai), c’est globalement une force indéniable vis à vis d’une concurrence qui peine parfois à se renouveler. DROGAS Light ne déroge pas à la règle et Lupe s’y montre aussi à l’aise dans les morceaux très dancefloors, que dans des ambiances plus actuelles ou au contraire rappelant ses tubes d’il y a une dizaine d’années.

Tout commence par une intro nommée Dopamine Lit. Loin d’atteindre la puissance du fabuleux “Mural” sur Tetsuo & Youth ou “Go Go Gadget Flow” sur The Cool, elle augure tout de même d’une certaine efficacité et met de suite dans l’ambiance.
Il faut en réalité attendre la troisième piste pour trouver le premier morceau dit majeur de l’album, même si paradoxalement il ne figure pas parmi mes préférences. Lors de la première écoute de “Promise“, j’ai quelque peu bloqué face à ce titre qui ressemblait plus à un mix entre Drake et Young Thug qu’à un son propre à Lupe. Il a fallu que je me concentre sur les paroles pour comprendre la logique et me rendre compte qu’il y évoque en fait de cette nouvelle génération de stars du Hip Hop dans laquelle il semble peu se reconnaître. Une sorte de pastiche en somme.

Après un oubliable “Made In The USA“, on se ressaisit rapidement avec l’un des plus gros morceaux de l’album : le destin de “Jump” est tout tracé dans les dancefloors du monde entier avec son sample ultra efficace (j’en ferai très rapidement un article parce qu’il est intéressant à décortiquer). Cette fois, DROGAS Light semble même vraiment lancé puisque “City Of The Year“, “High” (probablement ma piste préférée) et “Tranquillo” qui suivent forment un enchaînement de belle qualité.

Et pourtant après ce quatuor majeur, DROGAS Light semble rapidement arriver à bout de souffle. Il y a bien le single pop “Pick Up The Phone” qui marque les esprits, mais surtout parce qu’il rappelle fortement son tube “Superstar”. Et l’étrange “It’s Not Design”, certes efficace dans son style plus électronique, mais qui semble avoir dix ans de retard, tout comme “Wild Child” qui lui succède dans un autre genre. On a du mal à voir où Lupe veut en venir, lui qui nous avait habitué à des albums bien plus structurés.

Je pense là avoir mis le doigt sur ce qui me pose problème. DROGAS Light donne l’impression d’écouter une espèce de mixtape de luxe, bien produite mais sans réelle cohérence artistique, un peu fourre-tout et surtout bien trop conformiste eu égard à ce qu’il a pu nous concocter dans le passé.
Si pris à part, j’apprécie finalement la majorité des morceaux, il n’en reste pas moins qu’aucun ne pourrait prétendre à figurer dans un Top 10 de sa discographie.

Pire, tout ceci laisse finalement penser que l’accident Lasers en 2011 n’étant pas seulement causé par un label à la masse, mais aussi un peu par Lupe lui-même qui ne peut pas toujours s’empêcher de céder à une certaine facilité. C’est malheureux à dire, mais DROGAS Light est finalement un peu à l’image de sa carrière : en dent de scie. Du moins en deçà de ce qu’on est en droit d’attendre un tel talent.

Mais restons positifs et faisons lui confiance. Je ne doute pas qu’il saura clore ce chapitre de sa vie en apothéose et que son triptyque ne fera que monter en puissance !
Et puis, même si la critique peut paraître assez dure, cela fait maintenant quelques semaines que plusieurs morceaux tournent dans mes playlists et devraient selon toute vraisemblance y figurer encore un moment. Signe que ce n’est pas non plus la catastrophe, loin de là.


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