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[Critique Album] Love Story de YelaWolf : Voyage dans l’Amérique Profonde

14 avril 2015

Il faut dire pour commencer que je ne suis jamais totalement objectif lorsqu’il s’agit de YelaWolf, un artiste que je suis de très près et ce bien avant qu’il ait signé chez Shady Records. Si je l’avais découvert par hasard à l’époque de la mixtape The Ballad of Slick Rick E. Bobby, j’ai véritablement accroché à son style un an plus tard, en 2008, avec l’EP Arena Rap, déjà largement empreint des sonorités country qu’il affectionne et dont je reparlerai plus bas.
En 2010, Trunk Muzik (plus tard rebaptisé dans une réédition Trunk Muzik 0-60) lui offre une plus grande exposition dans un style finalement assez différent de ce qu’il a fait auparavant et fera par la suite. Et c’est d’ailleurs ce qui implique, je pense, que YelaWolf est parfois un artiste difficile à suivre. Ses sorties se suivent mais se ressemblent rarement et le public peine parfois à suivre la cadence. Un coup il s’amusera à déverser son flow impressionnant sur des boites à rythmes puis quelques semaines plus tard, il sortira des sons plus proches de la chanson que du rap sur des riffs de guitare plus ou moins nerveux. Difficile dans ce grand écart perpétuel de créer le consensus.

Love Story est son second album sorti sous l’égide du label fondé par Marshall Mathers. Je ne saurais dire si Radioactive avait en son temps rempli ses objectifs commerciaux, mais artistiquement parlant, il en ressortait une part de déception même si cela restait très correct.
YelaWolf a pris son temps avant de lui donner une suite puisque quasiment quatre ans se sont écoulés, tout de même entrecoupées de trois mixtapes et deux EP collaboratifs (je vous conseille celui, gratuit, avec Ed Sheeran d’ailleurs). Depuis environs un an, plusieurs singles se sont succédés, que l’on retrouve à une exception près (Honey Brown) parmi les 18 titres. Chacun d’entre eux permet de découvrir les différentes facettes de l’album : la continuité de Trunk Muzik avec Box Chevy V, la country quasi totalement chantée avec un American You que je n’apprécie guère et ‘Till It’s Gone qui vient fusionner les deux genres et donner d’ailleurs l’une des meilleures tracks de l’album, voire plus.

Radioactive avait pas mal été critiqué en son temps pour ses invités pas toujours top, pour ne pas dire “random” dans certains cas, et son côté un peu fourre-tout prétexte à toucher un public plus large. Souvent le défaut récurrent des premiers albums sous une major. L’exemple le plus parlant reste le titre très controversé Made In The USA sur lequel Priscilla Renea, depuis portée disparue, posait un refrain presque à l’opposé de l’univers de Yela. Cela ressemblait plus à du sous-Shady qu’autre chose et laissait d’ailleurs penser que leur collaboration pouvait s’avérer une fausse bonne idée.
Exit cette fois ce type de featuring. Yela se charge lui-même des refrains et l’album ne comporte qu’un seul invité vocal, et non des moindres : Eminem en personne, pour un duo attendu depuis des années. Si celui-ci est de qualité, il n’apporte toutefois toujours pas ce que les fans attendent véritablement: c’est à dire le battle de flow entre deux des meilleurs techniciens du moment. Ce sera peut-être pour la prochaine fois. De ce point de vue, Yela se fait d’ailleurs discret. S’il se lance dans une accélération dont il a le secret sur Empty Bottles, il choisit plutôt la douceur le reste du temps, ce qui est finalement cohérent avec la couleur de l’album. On notera aussi en guest la présence aux percussions de Travis Barker, une habitude désormais.

L’avantage de cette absence quasi totale d’intervenants extérieurs est qu’elle permet à YelaWolf de nous plonger pleinement dans son univers assez unique, savant mélange de saveurs Hip Hop et de sonorités plus traditionnelles du Sud-Est américain. Il n’est plus question de digressions un peu Dubstep (Animal sur Radioactive, produit par Diplo) ni de tentatives de “bangers” (Hard White), certes efficaces, mais qui en réalité le bridaient plus qu’autre chose.
L’album est à ce sujet une franche réussite. A l’image de l’EP Arena Rap auquel Love Story ressemble le plus, on voyage en plein Alabama pendant plus d’une heure. On adhère ou non, là c’est plus une question de goût qu’autre chose, mais c’est globalement bien produit, varié, toujours cohérent et homogène. Je ne connais pas la liste exacte des producteurs, mais elle est vraisemblablement dominée par WillPower, déjà metteur en musique principal sur Trunk Muzik. Les deux hommes ont maintes fois collaboré et leur complicité est évidente.

Pour réussir à apprécier l’album, il faut aussi accepter le fait que le Hip Hop n’en est qu’une composante parmi d’autres. Il possède évidemment de nombreuses phases rapées, mais représente finalement bien plus que cela, regroupant toutes les influences qui ont amené Michael Wayne Atha à devenir l’artiste musical qu’il est aujourd’hui. Entrecoupé de titres assez classiques dans sa discographie (Outer Space, Whiskey In A Bottle, Best Friends, Love Story ou encore l’excellent Empty Bottles), Yela se lâche totalement à d’autres moments. Have A Great Flight est à ce titre un exemple parlant de son évolution. Entièrement chanté d’une voix douce et agréable, accompagné par quelques simples accords de guitare, il se livre comme il l’a peu fait jusqu’ici et offre un titre dans un premier temps étonnant voire déstabilisant par son contenu, si l’on est plus habitué à l’écouter sur des Pop The Trunk, mais à la fois fort et émouvant. Dans le même ordre d’idée, on trouvera les tracks Johnny Cash et Disappear.

Je doute que l’album fasse l’unanimité, en tout cas hors des Etats-Unis parce qu’il est justement très imprégné d’une partie de leur histoire musicale à laquelle on reste souvent assez hermétique de notre côté de l’Atlantique, moi le premier. Pourtant YelaWolf a encore une fois su me toucher et je trouve le résultat de bien meilleure qualité que son précédent album, même si je ne suis pas forcément convaincu non plus par la totalité (American You, Devil In My Veins,…) et qu’il est aussi toujours un peu dommage de réutiliser certains titres déjà présents sur un EP, notamment Tennessee Love ici, quelle qu’en soit la qualité.


Les opinions du lecteur
  1. Nik   Sur   28 avril 2015 à 17:21

    Je cherchais une review Française après avoir lu celles d’outre-atlantique. Je tombe ici.
    Et je suis globalement d’accord avec cet article. Sauf pour Devil In My Veins qui trouve, à mon sens, bien sa place dans cet album.

    Cet album est un retour tout doux vers Arena Rap, en plus élaboré. Ou peut-être en plus “fourni”. Et c’est une super nouvelle !

    J’ai aimé : le retour au country rap, un album bien produit, ici et là quelques sonorités rappelant l’univers d’Eminem.

    J’aurai aimé plus : le featuring avec Eminem (même critique que l’article, j’attendais que ça explose … mais non), il manque un titre fulgurant et très technique (plus que les 20 secondes d’Empty Bottle) pour faire de cet album un 5 étoiles :)

    Rien ne nous dit que le prochain album / mixtape sera dans la même veine. C’est aussi ce qui fait de Yelawolf un artiste surprenant. Est-il un touche à tout ou cherche t-il encore sa place ? On s’en fout puisqu’il fait mouche quasiment à chaque fois (sauf pour Radioactive … faut avouer).

    Cet album reste quand même une pièce maîtresse, à acheter donc !

    • Mika   Sur   29 avril 2015 à 12:13

      Salut,

      Merci pour ton commentaire. Effectivement je suis content aussi de retrouver l’esprit d’Arena Rap.
      Pour Devil In My Veins, non pas quequ’il ne colle pas à l’album, mais plus simplement que je n’accroche pas à ce son comme à deux ou trois autres. Rares sont les albums où j’aime tout de toute façon, ce n’est pas vraiment une tare.

      Hâte d’écouter la suite !

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