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Déjà demain : Miki, bien plus qu’une « Industry plant »

14 août 2024

Depuis l’apparition dans de très nombreux feeds Instragram et TikTok des (très bons) morceaux de son EP « Graou » , Miki créé malgré elle un débat sur les réseaux. Est-elle ce qu’on appelle dans le jargon une « Industry plant » , à savoir une artiste dont la carrière est bâtie avant tout et à travers une grosse stratégie de label masquée et avec tout ce que cela peut comporter de cynisme ? La méthode n’est ni nouvelle ni rare en musique mais le traitement de l’ascension soudaine (mais encore relative) de Miki me parait suffisamment injuste ou du moins à nuancer pour justifier de reprendre la plume après une longue disette d’articles.

Oui, il serait aberrant de nier que Miki Duplay est aujourd’hui très bien entourée et que tout est mis en œuvre en coulisses pour que cela fonctionne : les récents « jtm encore » et « échec et mat » sont coproduits avec Tristan Salvati et le processus semble ici proche d’être un décalque de la stratégie adoptée avec Angèle lors de son explosion médiatique à partir de la fin 2017. Quand sortait son premier véritable single commercial « La Loi de Murphy » , Salvati était en effet déjà aux manettes et, si les leviers promotionnels étaient un peu différents de ceux d’aujourd’hui, les moyens utilisés la rendirent incontournable presque d’un claquement de doigts. J’y participais d’ailleurs à mon échelle en relayant le titre dès le jour de sa sortie. Mi 2018 et alors qu’Angèle n’avait que très peu de chansons partagées avec le public, elle remplissait déjà le Trianon, où elle fut secondée de quelques guests dont MC Solaar. La suite, vous la connaissez aussi bien que moi.

On pourrait aussi remarquer que « jtm encore » voit dans ses crédits la présence de Canblaster, DJ et producteur français reconnu faisant partie du quatuor bien connu Club Cheval. Même s’il n’agit peut-être que sur de la production additionnelle et du conseil, le fait est que cela aide à sortir un morceau avec une telle précision et soin dans sa réalisation.

Mais Miki sort elle vraiment du chapeau à coups d’articles journalistiques sponsorisés et matraquage Social Media ? L’impression est forcément exagérée par l’effacement quasi radical de ses précédents contenus et parutions sur la toile, mais se cache pourtant derrière tout ceci un talent évident, connu de longue date par plus de mélomanes que l’on veut faire croire, et une évolution artistique finalement assez linéaire sur laquelle je vais tenter de revenir dans cet article.

Pour autant que mes playlists et mon compte Last.fm me permettent de retracer, mes premières écoutes de Mikaela Duplay (son véritable nom) datent du mois d’avril 2020 avec le single « Moi Je » qui, s’il n’est aujourd’hui plus accessible sur les plateformes de streaming, n’en reste pas moins toujours en rotation depuis l’époque sur notre Webradio. Un morceau très Electro Pop, aux accents presque Disco. Si les courants électroniques qui l’influencent ont un peu navigué depuis, on y retrouve déjà toute l’essence de son phrasé offbeat et le style d’écriture très nature et espiègle qui attise la curiosité autour de son cas.
Bien qu’il ne soit plus disponible sur Spotify aujourd’hui, une rapide recherche m’a permis de constater que « Moi Je » y cumule plus de 53 000 écoutes, signe que Miki avait déjà ce petit quelque chose en plus pour se démarquer dans le flot infini des sorties.

C’est notamment accompagnée de Sacha Rudy qu’elle conçoit l’EP éponyme de 3 pistes, celui-ci ayant alors déjà fait parler de lui en solo quelques mois avant avec le joli succès de « Be A Man » et dont le talent de producteur n’est plus à prouver, ayant depuis collaboré avec Laylow, Crystal Murray et Eddy de Pretto. Miki savait déjà bien s’entourer.

Quelques semaines plus tard, c’est en anglais dans le texte qu’est dévoilé « Rules » , produit par Lucas Simon (noté depuis dans les crédits d’un titre de Pierre de Maere). Et c’est ensemble qu’ils composeront « Misunderstood » deux années plus tard. Il s’agit là du plus ancien de ses morceaux solo restant disponible à l’écoute de façon officielle, mais dorénavant sous le pseudonyme Kimi Duplizzle.

Sur le même créneau, Miki apparait en featuring sur l’album « How Strange to be Anyone ? » de Thomas Guerlet, avec qui elle avait signé auparavant une jolie reprise de Barbara. Deux duos qui l’amènent à un nouveau niveau d’exposition et de quantité d’écoutes.

Juin 2023 marque un tournant pour Miki avec un nouvel EP « 4X » au sein duquel Miki continue ses expérimentations Pop dans un cadre foncièrement plus professionnel. Si Lucas Simon reste crédité à ses côtés, de nouvelles têtes apparaissent dont BlackDoe, producteur assez éclectique ayant travaillé par exemple avec Yseult ou Tayc, ainsi qu’un certain Jacques. LE Jacques bien connu de la scène électro française ou un homonyme ? J’avoue ne pas avoir réussi à trouver de source claire pour le vérifier et je ne pense donc pas que ce soit le cas.
L’excellent « Rêves encore » , sur lequel Miki pousse les curseurs électroniques à leur maximum pourrait laisser planer une forme de doute. Majoritairement instrumental, il s’agit en tout cas de son morceau qui a ma préférence jusqu’ici et sur lequel j’ai le plus bouclé. En une dizaine de minutes, « 4X » démontre tout l’éclectisme et le maelstrom d’influences qui dicte le son de Miki.

Si le projet a, injustement, eu une portée relativement limitée auprès des médias musicaux, il a paradoxalement ouvert à Miki de nouvelles portes côté pro puisque c’est sur cette période qu’elle se rapproche de Structure, toute fraîche entité, à priori indépendante, de service aux artistes lancée par et avec quelques anciens de Romance Musique (label appartenant à Universal). Un surplus d’expérience non négligeable, à même de l’accompagner tant sur les aspects de production, promotion et sur les futures tournées.

La scène, parlons en justement puisque là aussi tout s’accélère. Si Miki s’est régulièrement produite en France et au Luxembourg dont elle est originaire (elle a aussi vécu de courtes périodes à Londre et en Corée du Sud), elle se retrouve cette fois annoncée parmi les premiers noms du MaMa Festival 2023, reconnu comme l’un des tremplins musicaux le plus prisés et intéressants de l’hexagone.
Il s’avère toutefois que les plans évolueront pendant l’été puisqu’elle disparait de la programmation finale, troquant sa présence aux tout aussi fameux Bars en Trans de Rennes puis au début de cette année 2024 à L’Hyper Weekend Festival organisé par Radio France. De quoi s’aguerrir et élargir le champ des possibles.

La suite nous amène à notre actualité estivale et au buzz précipité provoqué par ce « Graou » . Deux titres ultra efficaces : « échec et mat » reste en tête instantanément mais je retiens ici plus « jtm encore » , petit coup de cœur de production avec cette façon de construire le refrain à partir de syllabes du couplet introductif.

Un condensé du chemin musical que Miki a pu réaliser ces cinq dernières années, en y ajoutant de nouvelles inspirations hyperpop on ne peut plus actuelles. Le ton et le placement particulier des paroles figuraient déjà il y a quatre ans, leur découpage parfois syncopé se trouvait dans « Rêves encore » . Tous les ingrédients sont là depuis le début ou presque, et ne demandaient qu’à trouver le parfait et savant dosage pour franchir une nouvelle étape.

Elle seule pourrait dire si la sorte de reboot d’image est de son fait ou non. Elle ne serait ni la première ni la dernière à faire table rase d’éléments passés pour proposer un projet différent ou plus homogène, quelles qu’en soient les raisons profondes : volonté propre, conseil extérieur, conflit ou mélange de tout ça. On le saura peut-être un jour, mais ce n’est pas le plus important et il faut surtout ne pas bouder le plaisir de voir le plus grand nombre en mesure de découvrir un talent resté trop longtemps confidentiel.

L’aspect touche à tout ou DIY n’a jamais été feint chez Mikaela Duplay, et il est plutôt malin de le mettre en avant dans une stratégie promotionnelle.
Depuis ses débuts, elle a œuvré à tous les niveaux de création, y compris jusqu’à la réalisation de clips. Ainsi expliquait elle sur d’anciennes interviews qu’en parallèle de son apprentissage musical au conservatoire, son ambition et ses études la dirigeaient plutôt vers le Cinéma et la mise en scène. Ce qui l’a amenée à mettre en boite plusieurs courts métrages dont « Juste à Côté » en 2021, dans lequel elle partage l’écran avec Thomas Guerlet une fois de plus.

A défaut de pouvoir vous le proposer ici, quelques images sont visibles sur le site du Directeur de la Photo ayant participé au projet : https://lucasmarbach.com/dop/juste-a-cote/.

Il n’y a en somme rien d’illégitime dans le début d’explosion de carrière de Miki, bien au contraire. Certes nombreux sont les talents qui n’ont pas la chance de pouvoir croiser et/ou attirer les bonnes personnes au bon moment.
Tout s’emballe pour elle, entre une collaboration inattendue mais réussie avec Metronomy , sur laquelle elle vole la vedette (en ayant une fois encore participé à la composition), et les premières dates d’envergure s’annoncent à Paris au Point Ephémère en fin d’année (déjà complet) puis à la Gaïté Lyrique le 12 mars 2025.

D’ici là, on aura découvert probablement de nouveaux morceaux, un EP ou un album et personnellement j’ai hâte !


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