Elles les femmes ! Retour cinéma 2017
7 février 2018
Les réalisateurs n’ont pas attendu les scandales pour donner les premiers rôles à des actrices. Les films Kiss and Cry de Lila Pinell et Chloé Mahieu; Le Brio d’Ivan Attal; et Jeune Femme de Léonor Serraille ont chacun, à leur manière, raconté les destins de personnages féminins aussi différemment dans le fond que dans la forme.
La première observation est immédiate à la découverte du film le Brio d’Ivan Attal: voilà un film de divertissement qui construit un discours critique sur le milieu social qu’il traverse. Je dis bien un discours critique et non une critique. Il ne s’agit pas dans ce film de dire ce qu’il y aurait des gens bien à Créteil, ville d’où est originaire Leïla l’héroïne du film; et des méchants sans coeur dans le 6ème arrondissement de Paris, où se situe Assas, célèbre école de droit dans laquelle elle entend briller. Ce film va plus loin. Le parti pris est de dépeindre les clichés; en les laissant être contredits par l’action et les épreuves de l’héroïne. Certes c’est du divertissement mais on s’éloigne du « tous pourris » pessimiste qui donne envie de tout abandonner en sortant du cinéma.
L’enjeu social est aussi l’objet du film documentaire Kiss and Cry de Lila Pinelle et Chloé Mahieu. En suivant l’intimité de Sarah qui prépare les championnats du monde de patinage artistique junior, ondécouvre une remise en question de l’esprit de compétition. A ce titre, la scène de surenchères que se lancent les adolescentes en soirée pyjama est incroyable de pertinence. Plus d’une fois dans le film l’esthétique acidulée de l’adolescence sert un propos plus large.
Le choix d’un personnage féminin comme personnage principal crée aussi de nouveaux personnages secondaires. À cet égard, Jeune Femme de Léonor Serraille est un exemple remarquable. Le film a beaucoup fait parler de lui en raison de la performance de Laetitia Dosch. Les relations avec les personnages secondaires se construisent sur un déséquilibre dans la partition du scénario. La relation la plus singulière est, à mon sens, celle avec sa mère. Elle repose sur très peu de mots, encore moins d’explications. Surtout cette relation laisse place à un contact physique, une violence inévitable et pourtant presque tendre, peu habituelle au cinéma. Cette belle place accordée à la relation mère fille est aussi un aspect des films Kiss ans Cry et le Brio. On caricature trop souvent le rôle de la mère aux extrêmes de la tendresse ou de l’étouffement. Les attentes de la mère sur les jeunes héroïnes se manifestent aussi dans l’incompréhension, voire l’indifférence. Ces rapports déclenchent une émotion dynamique.
Ce rapport à la violence et au corps ne se fait pas sans décors. Quels que soient les drames du cinema, Humphrey Bogart l’affirme à sa partenaire Ingrid Bergman, dans le film Casablanca de Mickael Curtiz en 1942: « We’ll still have Paris ». Nous aurons toujours Paris, ville lumière, pour faire rayonner la créativité. Ces trois films sont trois invasions cinématographiques de Paris; trois visions modernes et vivantes de cette ville.
Objectif de réussite, élite vieillissante traversée par les Uber et les transports en commun dans Le Brio, elle est aussi le lieu des éternels clichés romantiques… revisités par la jeunesse de Leila dans ce même film, et la liberté de Paula dans Jeune Femme. Objectif de réussite encore plus lointain pour Sarah dans Kiss ans Cry. Paris sonne dans ce film comme un sacrifice éternel, auquel l’héroïne devra choisir de se soumettre… ou pas. Sacrifice auquel Paola échappe avec poésie. Jeune femme filme la marche silencieuse de celles qui font tourner la plus belle ville du monde.
2017 aura servi une belle part de cinéma à la sauce féminité, de quoi se lécher les babines pour l’année à venir.